mardi 31 août 2010

Laurent Fignon emporté par un cancer


Rarement champion aura connu plus de coups durs que Laurent Fignon, décédé mardi, après avoir côtoyé les sommets en gagnant à deux reprises le Tour de France à moins de 24 ans.
Le Parisien, dernier grand coureur natif de la capitale, en est resté à deux victoires finales. Pour 8 secondes, il a raté un troisième succès dans une édition qui fut l'une des plus belles de l'histoire du Tour (1989), à coup sûr l'une des plus pathétiques à cause d'un suspens insoutenable dans le contre-la-montre final entre Versailles et les Champs-Elysées.

"On ne fait jamais son deuil d'un événement aussi violent; au mieux parvient-on à en domestiquer les conséquences psychologiques", a raconté ce champion authentique dans son autobiographie ("Nous étions jeunes et insouciants") parue en juin 2009, en évoquant aussi l'avantage technologique dont bénéficiait alors son rival américain Greg LeMond.

Durant toute sa carrière, le Francilien, qui était né à Paris le 12 août 1960 et avait grandi en Seine-et-Marne, a profondément marqué son époque.

Hinault en faire-valoir

Ses débuts victorieux en 1983 furent certes facilités par la blessure sur chute puis l'abandon du maillot jaune, le grimpeur champenois Pascal Simon. Mais sa domination totale dans l'édition suivante, agrémentée de cinq succès d'étape, montra l'étendue de sa classe.

Bernard Hinault, tout juste rétabli d'une opération à un genou, ne servit cette année-là que de faire-valoir, impuissant à remettre en cause la supériorité du Parisien aux lunettes d'étudiant. Il m'a fait rigoler, s'était exclamé en substance Fignon avec sa franchise coutumière, une sincérité qui lui fut longtemps reprochée.

Puncheur de grande dimension, offensif et réaliste, Fignon s'illustra sur tous les terrains, dans les classiques et dans les courses par étapes. A la fois battant et tacticien, il toucha au chef d'oeuvre en gagnant deux années de suite la "classicissima" Milan-Sanremo, en 1988 et 1989.

En Italie, l'autre théâtre de ses exploits, il finit par obtenir justice dans le Giro 1989, cinq ans après avoir été privé injustement de la victoire face au "local" Francesco Moser. Quelques semaines plus tard, il émouvait la France en s'effondrant sur le pavé des Champs-Elysées en conclusion d'un Tour mémorable.

Fort caractère

"Si j'étais fait pour devenir un champion, je n'étais absolument pas fait pour devenir un homme public", estimait-il. Mais, en 2009, il avait pris son monde à contre-pied en choisissant la transparence maximale après la révélation de son cancer des voies digestives, en évoquant lui-même le lien hypothétique entre sa maladie et le dopage.

"Je ne vais pas dire que cela n'a pas joué. Je n'en sais absolument rien. C'est impossible de dire oui ou non. D'après les médecins, apparemment non", avait-il expliqué en reconnaissant avoir eu recours à des produits interdits dans un contexte très différent de l'époque récente. "Ce n'était pas la même mentalité, rappelait-il, même si, petit ou grand, le dopage sert à tricher".

Parti courir en Italie en 1992, après une séparation tendue avec son mentor et associé Cyrille Guimard, cet homme de fort caractère, ombrageux et provocateur, sincère et attachant, avait raccroché le vélo en août 1993.

Dans sa reconversion, il avait organisé un temps Paris-Nice qu'il avait dû vendre ensuite en 2002 à ASO, l'organisateur du Tour de France, avant de racheter un hôtel dans les Pyrénées centrales servant de centre pour stages cyclistes.

Consultant dans les médias télévisuels (Eurosport puis France Télévisions), il avait tenu à être présent sur le Tour de France 2010 malgré les soins engagés contre le cancer qui a fini par avoir raison de lui.



Source: rtbf/sport

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